Céline Dehors et François l’Explorateur — Aspirants, chercheurs en liberté, expérimentateurs d’idées loufoques. — Et accessoirement auteur de « Ce que le Souffle m’a donné »

dimanche, juillet 19, 2015

Séjour écolo en 60 litres avec ma fille sur les épaules


Je ne sais pas à partir de quel moment je me suis sentie partir. Etait-ce lorsque je préparais mon sac ? Pesant chaque couche et chaque compote en gourde, me demandant quelle bouteille de gaz emmener (470g ou 240 ?), décidant finalement de retirer ma brosse à cheveux et le dentifrice parce que ça ne sert à rien. Ou lorsque l'Explorateur s'est rendu compte que j'avais oublié mon téléphone à la maison et que le train arrivait devant nous ? "Bon bah alors… Prends bien soin de toi, m'a-t-il dit, c'est l'aventure !"

Suis-je partie lorsque j'ai mis la petite loutre sur mes épaules ? Son dos appuyé contre le tapis de sol fixé au sommet du sac, nous traversions ainsi la gare de notre correspondance, fières comme deux colons aux milieux des autochtones incivilisés qui nous croisaient de toutes parts. Ils nous regardaient avec de grands yeux, curieux de voir une femme et son petit enfant, sans poussette, en tenue de rando, sans ceinture de sécurité pour tenir la petite pourtant installée si haut, aussi souriants que s'ils avaient trouvés une source fraiche après avoir marché pendant des heures sous le soleil. Il y a bien eu le moment où enfin nous sommes sorties de la gare, transportée dans un petit village blanchi par le soleil et entouré de montagnes tapissées de garrigue. J'ai entendu sur le côté un : "Vous allez où ?", j'ai dit "Sainte Colombe !", on m'a répondu que ce n'était pas sa route, alors j'ai dit un autre nom de village, on a accepté de m'avancer. Finalement, route faisant, le on a prit le visage de Bernadette et nous avions une connaissance en commun. La voiture m'a menée jusqu'à ma destination. J'ai fait de l'auto-stop avec ma fille sur les genoux, j'étais contente que la police ne soit pas de la partie.

Mon appareil photo étant trop gros (en poids et en volume)
pour mon sac déjà trop gros, je n'ai aucune photo de mon périple.

Et puis j'ai marché entre des maisons sans savoir où j'allais. 50 habitants m'avait dit Wikipedia, ça ne doit pas faire tant de portes que ça à tester (oui, finalement après avoir écrit mon premier article sur le périple, je n'ai pas vérifié l'itinéraire pour trouver le terrain de mon ami écolo et j'avais oublié ce qu'il avait écrit dans son email). Le soleil frappait fort, nous avons fait demi tour vers la fontaine. Une femme y remplissait des bouteilles. Elle devait bien en avoir une dizaine dans son sac de toile. "Tu dois connaître Thierry, lui dis-je, je cherche son terrain." Elle nous a regardées un instant sans comprendre, peut-être n'a-t-elle pas su d'où, de la femme qui porte le sac, ou de celle assise sur ses épaules, venait la voix. "Oui, j'en viens. J'étais juste venue chercher de l'eau. Je termine et je te montre. Euh… Tu veux que je prenne ton sac ?"

Je crois que ce n'est qu'à cet instant précis que mon voyage a vraiment commencé.

Un voyage écolo ?

60 litres, c'était le volume de mon sac. Ma fille sur les épaules, mon compagnon de voyage. L'écolo était l'ami que j'avais décidé d'aider sur son chantier. Pendant quelques jours, j'ai découvert avec ma fille une vie étrange, où l'électricité trouve toujours un remplaçant, où l'eau est utilisée avec parcimonie, où la récup est un fournisseur officiel. Sur un chantier écologiste on parle une langue nouvelle, d'action minimum, d'intellect, où l'on cite régulièrement des personnages, paysan, maitre spirituel, philosophe, ou asiatique. On dit "Je me suis rapproché de la pensée de…", ou "Je vais méditer une petite heure à l'ombre", on ne discute pas, on échange, car on réfléchie avant de répondre et puis on se remercie à la fin.

Le rythme était différent. Lent, mais permanent. Sans la moindre minute d'inactivité. Chaque instant était pleinement utilisé pour travailler, couper du bois, remplir une brouette de cailloux, admirer le paysage, méditer, respirer, sentir le soleil sur sa peau. Il n'y avait jamais de regards perdus sur l'écran d'un spartphone ou d'un téléviseur et j'avais, je crois, été bien avisée d'avoir oublié mon téléphone. J'ai pu me couler plus facilement dans ce quotidien de travail et de spiritualité.

La veille du départ, pour tester le poids du sac + petite loutre

La petite loutre s'est bien plu là-bas. Elle a pu y exercer sa pleine liberté. Pour une fois qu'elle va dans un lieu où rien ne lui est interdit, où il n'y a pas de cristal à briser, de fenêtre à tâcher, de route à traverser malgré la circulation! Je lui ai appris à mettre un chapeau dès qu'elle sentait le soleil sur sa tête et à se laver seule dans une bassine. Elle a reconnu sans problème des toilettes dans les deux planches posées au dessus du trou et n'a pas été étonnée pour un sous lorsque j'ai recouvert mes effets d'un peu de sciure. La petite bulle s'est vite sentie à son aise parmi toute cette communauté d'adultes, parce qu'ils ne lui faisaient jamais rien sans lui demander son avis, parce qu'ils la traitaient tous, naturellement, comme un humain à part entière.

Comment vous dire…

Je ne saurais trop comment vous expliquer combien la vie était différente là-bas. Combien il était facile de faire confiance à sa bonne étoile, de ne rien prévoir précisément et d'agir comme le temps passe, de réfléchir chacun de ses gestes, chacune de ses pensées, de tout faire —ou ne plus faire— (se laver, se peigner, s'épiler, s'habiller, manger, construire, inventer, discuter, éduquer) différemment. J'aurais aimé par un article vous faire part de cette nouveauté, mais tout est encore trop neuf pour moi pour être claire. Et oui, PIOTKA, sur un ordi, les lettres sont toujours très bien tracées mais on écrit pas forcément droit. Ce n'est pas grave, me dis-je, j'ai aimé vous raconter ce peu de choses et je sais qu'un jour, je pourrais vous livrer tout ce que ce voyage a laissé sur mon coeur. 

6 commentaires:

  1. J'ai adoré ton article très inspirant. Il donne envie de faire pareil... Tout y semble tellement plus simple.
    Mais j'admire surtout la partie où tu as tenté l'aventure seule avec ta fille. Ça paraît si compliqué quand on pense en terme "logistique" et pourtant en te lisant cela paraît si simple.
    Merci pour ce moment naturel partagé.

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    1. Merci pour ton passage sur mon blog et surtout pour le commentaire que tu as pris le temps de me laisser ! Ca me remplie de joie !

      Le voyage avec ma fille a été effectivement très simple. La question qui m'a le plus embêtée fut celle des couches. Finalement, après avoir vu la météo, je m'étais dit que ses petites culottes sècheraient très vite et j'ai pris des couches jetables pour la nuit et les trajets en train uniquement.
      Lorsqu'on se met en mode "rando" ou "bivouac", les choses sont toujours plus simples. Je n'avais pas de miroir, donc je ne me coiffais pas. Nous vivions entre nous dans l'herbe et nous nous lavions dans un ruisseau, donc personne ne remarquait quoique ce soit lorsque ma fille avait taché ses vêtements ou lorsque ses bras étaient tout collants de jus de pêche. Sans montre, je ne proposais la sieste que lorsque je voyais la petite loutre fatiguée et nous ne mangions que lorsque nous sentions la faim.
      La vie devrait toujours être si simple…

      Je suis contente d'avoir quand même pu transmettre un peu de ce périple à quelqu'un. J'étais déçue après avoir terminé la rédaction de cet article, il me semblait "pas assez".

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    2. Lire ta réponse est dans la continuité de ton article : ça donne envieeeeee !!!
      Ton article ne te semble pas transmettre assez et pourtant il transmet tellement. Il pose même une question basique et pourtant primordiale : pourquoi s'embête-t-on avec la modernité quand elle n'apporte au final que des complications ?
      Bien entendu on peut débattre longtemps sur le sujet, mais quitte à me répéter, ton article est un vrai vent de fraîcheur et de liberté, qui me donne encore plus envie que jamais de quitter Paris pour une bulle "nature".

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    3. Ta question primordiale est une des questions souvent discutée sur le terrain de mon ami écolo. Ils réfléchissent à un mode de vie qui retire de notre quotidien toutes ces petites choses modernes qui rendent nos vies impossibles. Leurs idées vont assez loin je dois dire !
      Je comprends si tu habites Paris combien cela doit te changer. Vivre à Paris se doit être le summum des enquiquinades quotidiennes ! Enfin, je vois la ville de cette façon. Un merveilleux mélange de beautés et d'absurdités.

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  2. Wow! Génial! Je vais te dire à peu près pareil que le commentaire précédent...Ton périple et ton récit sont très inspirant. Je ne sais pas si j'aurais le courage de me lancer dans ce genre d'aventure, pourtant je perçois vraiment le bien et l'inspiration que cela t'as apporté.
    Une grosse bouffée d'air frais, merci :)

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    1. Ce fut un plaisir, Zou !
      Je suis contente si ce petit récit t'a inspirée. A vrai dire, je n'ai pas rencontré la moindre difficulté de tout le voyage. C'était même très très facile !

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A bientôt !
Céline.

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