Céline Dehors et François l’Explorateur — Aspirants, chercheurs en liberté, expérimentateurs d’idées loufoques. — Et accessoirement auteur de « Ce que le Souffle m’a donné »

mercredi, janvier 25, 2017

Jamais sans bagage

Il est vrai que dans le camion nous n’avons pas grand chose… Otto est plutôt petit et nous devons nous partager l’espace à trois. Sans oublier Jedi dont la cabane prend une place non négligeable ! De plus, notre budget est assez limité (encore plus maintenant que le garagiste nous a donné son devis… si vous avez envie de nous soutenir et de vous offrir une bonne lecture, n’hésitez surtout pas à commander le Souffle, hein ! — qui ne tente rien n’a rien m’a-t-on dit), impossible pour nous de combler le vide par quelques achats. Alors nous remplissons comme nous pouvons là où il y a encore beaucoup de place, c’est à dire à l’intérieur de nous. Le principe est d’occuper tous les espaces encore libre, les grands comme les petits. C’est fou combien on arrive à y faire rentrer des choses !


En voulant faire le tri l’autre jour, je me suis rendue compte combien j’avais emmagasiné de babioles chez moi. Un vrai foutoir ! J’ai inspiré un bon coup et je me suis décidé à donner à toutes les choses oubliées une place plus honorable. J’ai alors commencé le rangement des personnes qui avaient impacté ma vie.

Je me suis d’abord adressée à celui qui m’avait retenue sur le chemin de la forêt. Je n’avais pas 6 ans, j’étais chez ma mamie et je m’étais fâchée pour une raison sûrement très importante aux yeux de la petite que j’étais. Fâchée au point de me dire : « Puisque c’est comme ça, je vais aller dans la forêt toute seule et y vivre ! » Et j’étais partie d’un bon pas. Sur le chemin, je l’ai rencontré. C’était un grand garçon, de 10 ans plus vieux que moi. En souvenir je n’ai que sa paire de genoux, cachée derrière son jeans, et ses cheveux bouclés. Il m’a dit : « Tu es trop petite pour te promener toute seule. » J’étais amoureuse de lui déjà, je lui ai promis de rentrer. Et je suis retournée dans la maison de ma mamie.

Je ne sais rien de lui. Je crois simplement qu’il s’appelait Sébastien.

Lorsque mes parents ont déménagé, j’ai eu le droit pendant les vacances de la Toussaint de visiter ma nouvelle école. La directrice nous a ouvert, sa fille était avec elle.  avait le même âge que moi. Le jour de ma visite, elle portait une grande natte dans le dos et je suivais sa natte comme un navire dans la tourmente suit la lumière d’un phare. J’ai toujours été éblouie par elle, par son sourire, ses cheveux, sa gentillesse. Je l’admirais, et je l’admire toujours. Vous voyez son visage et vous savez immédiatement que c’est une personne exceptionnelle, qui brille partout la bonté et l’élégance, avec une simplicité magnifique. Un jour qu’elle discutait avec d’autres de ses amies des yeux clairs d’une fille, elle s’est tournée vers moi et a dit : « Les yeux les plus beaux que je n’ai jamais vus, ce sont ceux de Céline. » Immédiatement des larmes ont coulé sur mes joues, de reconnaissance et d’amour (je crois oui, qu’on peut le dire ainsi).

est pour moi la preuve que la gentillesse n’est pas niaise, elle est simplement sublime.

En primaire j’avais une amie, Co, à laquelle je tenais énormément. Je crois que j’ai toujours eu du mal à me faire des amis et lorsque je tiens à quelqu’un, je m’accroche à lui au point d’en devenir suffocante. Adulte maintenant, j’arrive à me retenir, je fais attention, mais enfant je n’en avais pas conscience. A l’entrée au collège, Co∂ m’a laissé tomber. C’est comme ça que je l’ai vécu, en réalité elle n’était tout simplement pas dans ma classe, avait trouvé d’autres amis et n’avait plus envie de passer du temps avec moi. Je l’ai affreusement mal vécu. Je me suis sentie seule longtemps après cet abandon. Et puis… deux ans plus tard, Co∂ est revenue vers moi pour s’excuser. Je sais aujourd’hui combien sa démarche a été courageuse et même si nous ne sommes jamais redevenues amies, je l’estime beaucoup.

Revenir vers quelqu’un pour se faire pardonner ou pour lui dire ce qu’il représente pour nous, est une preuve de courage.

Heureusement pour moi, je rencontrai à la fin de ma primaire une nouvelle amie formidable. Je passais toujours d’excellents moments avec elle. mø était de plus très intelligente et douée, nous avons gagné ensemble (mais grâce à elle surtout !) plusieurs concours littéraires et d’histoire. Nous avons fait plusieurs voyages de cette façon dont un extraordinaire au Québec ! C’était fou… ! Et puis, lorsque nous étions au lycée, mø m’a écrit une lettre pour me parler de choses que je ne soupçonnais pas. Cette lettre a été écrite avec beaucoup de sagesse, et je crois bien que je n’ai pas encore trouvé la manière d’y répondre avec autant d’intelligence, ni à mø, ni à personne d’autre, ni à aucun événement de ma vie. Cette lettre était sincère, et moi, je savais combien je n’avais pas su faire attention à mø autant qu’elle le méritait.

Je voudrais savoir être attentive envers mes amis autant qu’ils le sont envers moi.

J’ai connu un garçon dont j’avais été amoureuse enfant, qui avait tenté de me déshabiller quand j’étais adolescente. Il s’est arrêté en me voyant tétanisée. J’ai appris violemment grâce à lui que l’amour ne s’accepte pas, il se désire. Un autre garçon aussi m’a aimé et j’ai accepté de faire semblant avec lui, pensant le faire par gentillesse. Cela n’a pas fonctionné du tout, vous l’auriez deviné, et avec un SMS mal attribué, je l’ai blessé au point de ne plus être capable de le regarder dans les yeux. Un an plus tard il m’a dit : « Enfin Céline, c’est bon ! On peut quand même se faire la bise ! » Il m’avait pardonné je crois. J’ai souri bêtement. Je suis toujours aussi bête. Je suis sortie avec un troisième garçon presque homme. Il habitait loin de chez moi et la distance entre nous me convenait parfaitement. Mais je n’étais pas amoureuse de lui et je lui mentais. Les tromperies font toujours du mal, on peut se dire « C’est sa faute aussi ! Il n’a qu’à pas être mélodramatique à ce point et continuer de faire ainsi du chantage affectif ! », mais… j’étais bien coupable de son malheur et surtout incapable de le surmonter à sa place.

La vérité est que lorsqu’on dit oui, c’est bien de notre bouche que le mot part.

Au lycée je correspondais souvent par e-mail avec un homme que je ne connaissais pas. Il avait grandi dans la même commune que moi et nous partagions beaucoup de choses, sauf son identité. Il avait créé pour moi une énigme pour que je découvre son nom, je ne l’ai jamais résolue jusqu’au bout. Il m’a aussi indiqué une grotte quasi-secrète dans la forêt que j’arpentais (la même vers laquelle j’avais fugué de chez ma mamie) et j’aimais m’y rendre. Si Dada savait combien j’ai la frousse maintenant de me glisser sous les rochers… je serais incapable de m’y enfoncer ! Officiellement nous ne nous sommes jamais rencontrés, mais j’ai en tête un clin d’oeil. C’est idiot, pourquoi m’aurait-il menti ?, cependant j’associe le visage de Dada à celui que j’ai attrapé derrière le clin d’oeil. Je suis probablement une vraie tête de mule, mais je tiens beaucoup à cette histoire. Même si nous ne nous sommes jamais rencontrés et que nos échanges se font plus rares aujourd’hui, je le considère comme un ami .

D’ailleurs Dada, si tu lis cet article, sache que je n’attends pas de toi de démenti, j’aime cette histoire de clin d’oeil.

J’ai aussi en tête quelques professeurs. Celui qui ajoutait 5 points à ma moyenne quand je ne préférais pas le CDI à ses cours ; celle qui se tordait les mains à la fin de sa classe car je ne venais jamais lui parler personnellement ; celui qui a accepté sans condescendance le fait que je ne voulais pas tenter de concours prestigieux ; cet autre encore qui m’a crue lorsque je lui avais dit avoir fait son devoir seule (0 faute en anglais, sur un long texte, moi-même je n’en revenais pas !) ; celle qui m’a crue lorsque je lui ai dit que si je n’avais pas de devoir à lui rendre c’était parce que j’avais rêvé avoir fait mon travail (je m’en veux d’avoir abusé ainsi de sa crédulité) ; mais surtout, j’ai en tête une professeur qui avait su nous parler de la sensibilité avec une justesse extrême, j’avais tant pleuré durant son cours…

J’aimais observer les adultes quand j’étais à l’école, pourquoi n’augmente-t-on pas les effectifs de l’éducation nationale ?

Je commence à voir un peu plus clair parmi tous ces bagages. Apparaissent alors des souvenirs plus récents.

Je revois alors BΩ𐐒 avec qui mon habitude à mélanger l’amitié et l’amour a touché son paroxysme. Je le vois surtout rester ami avec moi, rester sincère, et même me remercier. Je pense aussi à ma reine du Pacifique (même si elle vit aujourd’hui dans une ville de la métropole, je suis certaine qu’elle reste attachée à son île paradisiaque !). Dès ma première semaine à l’école de Grenoble je m’étais dit que je voudrais être amie avec elle. Je la trouvais déjà géniale. Je me disais : tout le monde va se jeter sur elle, jamais je n’arriverais à lui parler… et je ne sais plus par quel hasard (en fait si, je sais ^^) nous avons parlé ensemble et nous sommes devenues amies. Tout cela me parait incroyable. C’est si rare une amitié, vous savez sûrement. Alors quand j’ai revu KrN, que c’était comme si nous avions vu ensemble les mêmes minutes du temps durant ces dernières années, j’ai vraiment cru à un miracle.

Je ne comprends jamais comment j’arrive à me faire des amis, comment ils arrivent à m’apprécier. Je suis surtout très heureuse d’avoir été un jour proche d’eux.

Je n’en reviens pas de la place libérée dans mon coeur grâce à ce petit rangement ! C’est sûr, je ne suis pas encore allée dans tous les coins, je n’ai pas tout farfouillé. Et puis, vous savez quoi ? Ce qu’il y a d’incroyable lorsqu’on travaille ainsi davantage à l’intérieur qu’à l’extérieur, c’est qu’on ne produit pas de déchet. On n’est pas obligé de jeter, voyez vous. Un souvenir revisité, un souvenir compris, c’est un souvenir qui brille. On peut les cumuler autant qu’on veut. Un souvenir prend autant de place que dix mille pensées, et vice versa.

12 commentaires:

  1. Encore une magnifique réflexion sur la vie :)

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  2. Merci les filles. Je suis toute contente à l’idée que le récit de ces souvenirs vous ait plu ! :-)

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  3. J'aime aussi ce clin d'oeil, il laisse planer un certain mystère, il me semble. On parle de clins d'oeil du destin. Ceux et celles qui ont la capacité de les voir peuvent ouvrir toutes les portes, dit-on... En ce qui concerne les énigmes, je crois que tu en as résolu plus de la moitié, non? Peut-être que d'autres clins d'oeil te permettront prochainement de résoudre les dernières, qui sait?
    C'est vrai que nos échanges sont plus rares car nos vies sont sans doute plus accaparantes mais je te considère moi aussi comme une amie et je vous envoie à tous les 3 (pardon, tous les 4, je n'oublie pas Jedi!) des ondes positives pour accompagner votre si beau voyage.
    Dada

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    1. Tu aimes les clins d’oeil toi aussi ?!
      Je te remercie pour tes ondes positives et ton amitié :-) Ceci dit, j’ai du mal à m’imaginer en voyage. Ou alors, je peux le dire autrement : je pense que le voyage dont tu parles, c’est toute ma vie ! Et c’est vrai que c’est un beau voyage…

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  4. Quel joli tour d'horizon ! Une belle collection de souvenirs.

    "Revenir vers quelqu’un pour se faire pardonner ou pour lui dire ce qu’il représente pour nous, est une preuve de courage."

    C'est tellement vrai. C'est une épreuve. Mais quelle récompense. Comme tu le dis, même si on ne redevient jamais vraiment ami·e·s, c'est quand même un acte fort.

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    1. As-tu, toi aussi, eu l'occasion de reparler avec ton ancienne amie de primaire comme la mienne l'a fait avec moi ?

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  5. Oui, je l'avais retrouvée sur Facebook, des années après, mais nous n'avions rien à nous dire, aujourd'hui je ne suis plus en contact. Mais ce genre de conversation, je l'ai eu avec ma meilleure amie du lycée. Là, pour le coup, c'est moi qui l'avais laissée tomber. En relisant des mots qu'elle m'avait écrit, à la fin de la fac, je me suis rendu compte à quel point j'avais laissé partir une amie extraordinaire. C'est moi qui lui ai écrit pour le lui dire, et m'excuser. C'est pareil, nous n'avons plus grand chose à échanger, mais je garde une grande tendresse à son égard.

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    1. Les amitiés vont et repartent au fil du temps. Cela t'est peut-être déjà arrivé ? Il m'arrive de ne plus avoir grand chose à échanger avec un ami et puis un événement survint et notre relation repart de plus belle.

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Céline.

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