Céline Dehors et François l’Explorateur — Aspirants, chercheurs en liberté, expérimentateurs d’idées loufoques. — Et accessoirement auteur de « Ce que le Souffle m’a donné »

vendredi, mars 24, 2017

Purs et impurs

Je balaie le sol de notre camion. Ce sol mesure un poil plus d’un mètre carré, le balayer ne prend qu’une ou deux minutes. Il se salit rapidement. Nous entrons et sortons régulièrement, portant sous nos chaussures poussière, herbe et terre qui se déposent sur le parquet. Je balaie souvent. François balaie souvent. Notre loutre balaie souvent. Nous avons chacun une chose différente en tête. La Loutre pense au Petit Prince qui faisait attention à ce que les baobabs n’envahissent pas sa petite planète. François ne comprend pas pourquoi notre Loup se met systématiquement devant lui pour recevoir les petites miettes sur le corps à chaque coup de balayette. Et moi, je n’arrive pas à m’ôter de la tête quelque chose que j’avais lu il y a longtemps quelque part.
Paysage de falaise avec les nuages qui se forment au bout sous le coucher du soleil
Je suis sortie juste avant la pluie, je n’ai pas regretté
C’était un article qui décrivait les us et les coutumes d’un peuple nomade. Il évoquait le fait que les personnes portaient une importance énorme à la propreté de leur roulotte. Ils nettoyaient tous les jours, sans exception. De plus, ces gens faisaient très attention à la pureté de ce qui entrait chez eux. Par exemple, les personnes non nomades étaient rarement invitées, jugées impures. Je n’ai pas retenu toute la liste de ce qui était réputé impur, et ce qui était pur, ceci dit le parallèle que je fais avec mon quotidien est frappant.

Les chaussures. Les boîtes d’aliments. Les couverts. C’est une évidence. Tout ce qui est sale est susceptible de pourrir, moisir, quelque part dans un coin, et ce n’est pas tolérable parce que ce coin appartient nécessairement à notre espace de vie. Le camion est moins protégé qu’une maison. La condensation est parfois amenée à couler des fenêtres, la toile n’est pas partout parfaitement étanche, l’humidité peut s’accumuler dans un recoin et faire de sérieux dégâts chez nos provisions, dans notre isolation, dans nos vêtements… Alors oui, nous surveillons sans cesse. Pour surveiller nous rangeons sans cesse, nous essuyons sans cesse, nous inspectons avec attention chaque tache chaque goutte d’eau chaque odeur à la recherche d’un passage d’eau que nous ne connaîtrons pas déjà.

Je fais de même avec les gens que nous rencontrons. J’ai parfois l’impression que je pourrais devenir cette femme sèche et sans pitié qui dit, en ouvrant à peine les lèvres, parce qu’elle est la gardienne de la tradition : « Non, nous n’invitons pas celui-ci. ». Parce que je vois que lui, lui ne fera pas attention. Il marchera sur la bordure, il tirera un placard sans respecter l’angle, il n’essuiera pas autour de l’évier, il ne jettera pas les miettes de son pain.

Il y a ceux qui gênent toute la nuit, les cartons et la bière au milieu d’eux, bruyant au point de brusquer les étoiles qui pulseraient tranquilles dans le ciel autrement. La musique dans leur véhicule est toujours trop forte. Ils crottent autour des campements, sur l’herbe, entre les rochers, sur leur crotte et entre les papiers et les crottes des autres jusqu’à ce que ça ne soit plus présentable pour personne. Ils laissent les cendres de leur feu au sol, avec parfois du verre et des canettes écrasés dans le centre. On retrouve les mégots, les capsules, les papiers qu’on échappe et qu’on ne voit plus dans le noir, évidemment. D’autres passent autour du camion, regardent par les fenêtres, commentent tout ce qu’ils observent sans pudeur aucune.

En France, chaque parcelle de terre est appartenue. Que ce soit un particulier, une entreprise ou une commune, à chaque fois que nous nous installons, nous sommes nécessairement chez quelqu’un. Chaque trace laissée, chaque herbe pliée, chaque son émis, vole une propriété. Notre discipline est stricte car nous sommes à la merci des refus, à la merci de leurs yeux. « Ici, c’est chez moi ! »

Parfois nous sommes accueillis avec beaucoup de chaleur et de générosité. « Restez tant que vous voulez, je n’ai jamais eu de problème avec des gens comme vous… » On nous offre l’eau, une place bien orientée, à plat, avec assez d’espace pour notre Loup. D’autres fois, toute la terre est imperméabilisée, des barres bien basses nous bloquent le chemin, les fontaines ne coulent plus, les grands axes ronflent férocement tout le jour et toute la nuit. Il nous arrive de nous sentir repoussés, traqués ou détestés quand aucune place n’a été laissée par ceux qui possèdent. « Vous ne pouvez pas rester ici. », qu’ils disent sans se rendre compte que nous ne pouvons rester nulle part. Alors nous trouvons cela injuste, parce que, de place, nous n’en prenons qu’une très réduite aussi bien dans le temps que dans l’espace ; et qu’eux, des places, ils les prennent toutes.
Plage du pont du Diable avec une femme, un enfant et un chien qui marchent.
Là, par contre, parce que ce n’était pas l’été, nous avions toute la plage pour nous.
Pourtant, je n’élève pas ma fille comme si elle vivait dans un camion. Je ne veux pas qu’elle sache que rien n’est à nous et que ce n’est pas près de changer. Je lui laisse croire qu’elle est chez elle partout. Je profite du fait que sa mamie s’est fait plaisir dans un magasin de vêtements pour enfant pour toujours habiller ma Loutre avec des vêtements à la dernière mode. Je ne veux pas qu’on se rende compte qu’elle vient d’un monde où cela n’a absolument aucune importance. Je lui apprends des choses de comme si elle allait quand même à l’école. Comme si elle ne connaissait rien aux arbres, aux oiseaux, à la pluie, à la terre, aux rivières, à la musique du vol des papillons. Elle prend parfois beaucoup trop de place. Elle piétine dans le camion, abîme certainement des choses, se balance à bout de bras comme un orang-outan et disperse ses jeux partout. Je suis très permissive, même si cela nous rend parfois la vie impossible, je ne l’oblige pas à comprendre.

Et pourtant, malgré tous mes efforts, ça se voit quand même. Comme si le vent de la liberté soufflait continuellement dans ses cheveux. Comme si son teint, toujours légèrement hâlé, était celui d’une vie de grand air. Comme si ses jambes musclées, son équilibre assuré, sa manière de s’adresser aux adultes, de serrer leur main, de leur dire bonjour ou bonsoir, comme si tout cela se voyait quand même beaucoup, que c’était immanquable. On me dit : « Elle a quelque chose de sensationnel, votre fille… »

Je l’entends pleurer ma fille, harnachée à l’arrière du camion ; je l’entends nous crier : « Mais je ne veux pas partir ! Je l’aimais trooop ! Je veux le revoir ! Je suis malheureuse, trop triste… », je sais qu’il n’y a aucune vie parfaite. Nos pérégrinations nous font découvrir un grand nombre de personnes formidables, mais pour chaque rencontre, il y a derrière nous quelqu’un que nous avons quitté. C’est malheureux. La Loutre trouve cela affreux, plus difficile à supporter au fur et à mesure qu’elle grandit. Malgré tout, je vois ce que cette vie développe chez elle, et j’en suis assez fière.
Enfant regardant par la fenêtre grande ouverte d’un petit utilitaire
Loutre sortant fièrement la tête par la fenêtre du camion.

9 commentaires:

  1. Chaque choix de vie à ses contraintes et ses libertés. Le tout est d'avancer sereinement sur le chemin choisi.
    Bonne fin de journée à vous 3.

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    1. Je suis peut-être moins tranquille que toi Marie, et je ne peux pas m’empêcher de chercher à mieux comprendre les vies, les routes et les choix de chacun.
      J’ai peur qu’à force de trop dire « à chacun sa vie », on oublie l’essentiel. Comme lorsqu’on dit « nous sommes tous différents », on oublie de reconnaître et de comprendre la particularité de chacun. Ce qui est n’est pas absolu, n’est-ce pas ?

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    2. Je ne pensais pas "à chacun sa vie" mais plutôt à chacun ses choix. La vie des autres mes passionne. Mais je dois admettre que parfois leurs choix me désarçonnent. Je ne veux plus passer mon temps à tout essayer de comprendre....

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    3. Je ne suis pas certaine qu'il y ait tant de "choix" que ça chez les uns et les autres. Je vois davantage des croyances et des conditionnements.

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  2. C'est un sacré débat ça.

    Est ce que nous choisissons réellement quelque chose dans nos vies ou sommes nous prisonnier de notre socialisation primaire et de tous ces événements extérieurs qui se sont entrechoqués pour nous infléchir sans que nous ayons le moindre contrôle dessus? Est ce que chaque choix ne peut pas se décomposer en fragments de conditionnement (au sens large, pas nécessairement intentionnel)? A t on réellement un espace de liberté? Ne sommes nous pas uniquement le fruit de notre enfance?

    Je me mouille. Oui je pense qu'on a un espace de choix. Mon argument n'est pas si brillant mais peu importe. J'ai deux enfants et ce ne sont pas les mêmes, intrinsèquement. Leur caractère et leur comportement est nettement différent pour un contexte relativement similaire. Ils portent une différence en eux.

    Alors si on va par là, n'est ce pas juste le fruit d'une génétique qui leur a été donnée? En quoi leur appartient-elle vraiment?

    Je ne crois pas que l'on existe dans l'absolu. Je pense qu'on existe relativement..dans un contexte avec ses lois et ses contraintes.

    Je choisis dans ce contexte donné. Si le contexte avait été différent, j'aurais peut être choisi autre chose. Pour autant, la dépendance au contexte ne veut pas dire que ce n'est pas moi qui choisit.

    Alors au final la question dans "est ce que je choisis?" ce n'est pas le choix, c'est le je. Qui suis je? Que suis-je? Qu'est ce que cette unicité dont on nous rebat les oreilles? Quand puis je m'attribuer à moi quelque chose?

    Je pense que le je ce n'est qu'un assemblage unique de fragments d'autres choses. Lorsque je choisis, c'est cette composition atomistique, ce florilège particulier de fragments qui s'exprime. Alors on pourra toujours le réduire à l'influence de tel ou tel fragment, celui qui décide c'est le tout unique et le tout est dans ce cas est supérieur à la somme de ses parties.

    C'est moi qui choisit.

    :)

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    1. A mon tour de me mouiller. Ou pas, nous verrons où mes idées me mèneront.

      Je vois l'identité comme un espace chaotique. Une perturbation semblable ---> une multitude de finalités. Nous ne sommes effectivement pas capables de connaître avec précision avec quoi sont faits chaque être humain (et je crois aussi que chacun de tes enfants a une différence en lui) comme la météo du lundi 27 juillet 1987 ressemble à celle du mardi 3 aout 1993 mais que leur week-end ne sont pas du tout les mêmes. Ceci dit, pouvons-nous véritablement parler de choix ? Ou même de "je" ?

      Le "je", à mon avis, ne peut se décrire scientifiquement qu'a priori. Cependant, la difficulté réside dans le fait (je m'inspire ici de Nietzsche) qu'il faut autant connaître une personne (son "je") dans ce qu'elle a fait que dans ce qu'elle est susceptible d'être (dans un contexte différent, ou dans le futur). (afin d'inclure la totalité de l'espace chaotique) Puisque j'en ai l'expérience, pour moi cela est possible et véritable. C'est par ces "connaissances" (plutôt intuitions…) que je décris ceux que je rencontre.

      Ce qui est curieux, c'est que le futur a beau être différent du passé, les êtres restent fidèles à eux même. Ils restent individus. On a beau changé leurs atomes. On a beau déclenché des crises politiques, climatiques, ou financières, ils sont toujours eux. On les reconnait. Le film Le Secret de Brokeback Mountain a été une surprise pour moi : malgré les années qui passent, les personnages ne semblent pas changer !

      Je ne soutiens pas la thèse du destin, ou de la prédestination (oh misère, je commence à avoir des références cinématographique, moi qui suis incapable de citer plus de 3 acteurs et de les reconnaître d'un film à l'autre… c'est un comble… mais enfin : connais-tu le film australien "predestination" ? il présente assez bien notre thématique à mon avis) mais je me demande souvent d'où nous vient cette identité. Je parlais de conditionnements et de croyances parce qu'ils expliquent facilement l'absence de surprise que j'éprouve à la lecture de la vie d'une personne que je connais mais je suis bien consciente que cela ne suffit pas.

      Tu parles de "je" sans préciser son origine, ou peut-être voulais-tu dire qu'il provenait du contexte ? Enfin, la question m'intéresse.

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  3. Merci de ton partage, j'apprécie de lire ta vision qui a un angle assez différent du mien.

    Si je résume ce que je comprends de ton propos (ça m'aide à être sûr d'avoir bien saisi ton propos de le réorganiser à ma sauce :) ) :

    -tu vois le je comme un espace chaotique. L'idée est assez nouvelle pour moi (chouette! :) ). En effet, j'ai plutôt tendance à trouver les "je" assez bien ordonnés. Je pense que là-dessus on a une vraie différence de perception! Par ordonné, j'entends comme une vaste mécanique constituée de multiples rouages interconnectés dont la cartographie particulière révèle l'intégralité du je. Évidemment entre tous les je, les assemblages sont variables et multiples. Cependant dans ma vision (je n'utilise pas le terme au hasard, c'est quelque chose que je visualise mentalement), au milieu de ces assemblages trop complexes pour être tous appréhendés, connus et compris (en l’occurrence c'est l'ensemble des fragments qui nous constituent dans ma vision) il y a un nombre fini de structures, d'enchainements, d'associations (je ne trouve pas le terme exact) reconnaissables et identifiables. Par là, je veux dire que je ne peux pas connaitre la carte de chaque je avec tous les rouages qui le constituent mais que je peux visualiser la manière dont ils s'associent pour générer un mouvement, un "processus" générant une idée, une pensée ou un comportement. J'ai du mal à le mettre en mot parce que c'est une image pour moi.
    Je vais peut être décrire cette image: imagine une multitude de rouages à perte de vue, une immense carte de chaque je, qui lui est propre. Sur cette carte immense, il y a des chemins qui s'allument en rouge, là où des rouages se mettent en branle les uns derrière les autres. Ces combinaisons identifiables d'assemblement de rouages sont caractéristiques et répétitifs entre les différents je. Tu en as des plus ou moins rares mais tu les retrouves dans toutes les combinaisons des je. Lorsque je discute avec quelqu'un, j'essaye toujours (inconsciemment) de reconnaître ces assemblages que je connais déjà (ou d'en apprendre de nouveaux) et ça se traduit par le fait que dans une discussion j'arrive parfois directement au dernier rouage en sautant le cheminement (parce que je sais où il aboutit) et que je fixe directement soit sur la conclusion du mouvement soit à l'inverse sur l'endroit où la mécanique grince ou là ou le rouage grippe. Je sens bien que cette vision mécanique peut paraître très éloignée de ce que l'on pourrait imaginer dans une vision spirituelle de l'être humain. Et pourtant, je visualise aussi très bien les enchainements de rouage caractéristiques de la pensée spirituelle. On peut aussi tout à fait, même si ça peut paraître contre-intuitif, visualiser des pensées/croyances non "rationnelles" sous la forme d'une mécanique d'enchaînement de rouages. Cela vaut aussi pour les émotions, avec une logique d'enchainement différente (et que je perçois moins bien). Ce n'est donc pas une vison purement matérialiste ou scientifique (ce sont les rouages qui font penser ça) mais davantage une représentation des rapports de progression ou même mieux d’enchainement et de causalité (dans le comportement, le discours, la pensée et ultimement la constitution du je que je vois comme un assemblage de fragments, tu l'as compris).
    Il y a un autre point, cette approche ramenée à notre discussion mélange en fait deux choses: ce qu'est le je et une forme de carte mentale qui explique les enchainements de la pensée ou du comportement. Je pense que c'est parce que je rentre dans le je sous l'angle de la pensée, parce que c'est la pensée de l'autre qui me donne des indices, en première instance avant de connaitre les faits, sur ce qu'elle peut être. De ce fait, ma représentation de l'autre adopte la même forme même si c'est un raccourci de pensée.

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  4. Bref, et c'est là que je voulais en venir (je suis désolé j'utilise beaucoup de mots quand je ne suis pas précisément sûr de ce que je veux dire, je cherche en écrivant...), pour moi le je est tout sauf chaotique. Je serais ravi que tu m'expliques ta forme de pensée et ce que tu entends par chaotique, ça enrichirait beaucoup ma vision je pense.

    -Tu inclus dans le je au-delà de ce que la personne est dans son contexte, l'ensemble des potentialités qu'elle renferme. Là, j'ai un doute sur ma formulation: est ce que pour toi il y a effectivement tout un panel de potentialités pour une personne que tu ajoutes au je présent ou bien est ce que tu vois ça comme plus unifié et tu ajoutes ce que cette personne là sera dans le futur ("ce qu'elle sera"= l'unique personne qu'elle sera et non toutes les personnes qu'elle pourrait être si elle avait été un peu différente, s'il ne s'était pas passé ça, s'il arrivait quelque chose d'impactant avant que ce futur n'advienne etc.) ou dans un autre contexte? Si je comprends et que je le rapproche de ta pensée sur la permanence des personnes hors contexte et à ton évocation de la prédestination, je penche pour l'hypothèse de cette personne unique dans le futur qui s'ajoute au présent mais je ne suis pas tout à fait certain. J'aime beaucoup cette idée d'y ajouter la personne future (pourquoi pas ajouter la personne passée d'ailleurs? elle n'est pas forcément contenue de manière claire et évidente dans la personne d'aujourd'hui), c'est une excellente idée et c'est très juste. Par contre, je m'oppose pas mal à la question de la prédestination (et donc à la possibilité d'identifier la personne unique dans le futur). Je vois ça comme un regard retrospectif qui mélange la connaissance de ce qu'il s'est passé avec la certitude qu'il n'aurait pu en être autrement. Pour moi, c'est radicalement différent. Avec mes histoires de rouages, et malgré ce qu'il laisse penser, je ne peux que "prédire" (le terme est impropre c'est beaucoup plus humble dans ma tête que dans ce que j'écris!!) à très courte distance, ce que la personne va dire là quand j'aurais fini de parler, ce qu'elle risque de faire dans quelques mois parce que son schéma de comportement déjà identifié fait qu'il y a de fortes chances qu'elle le fasse, etc. mais pas plus loin et avec un pourcentage d'erreur augmentant avec la distance. Pour s'en assurer, il suffit de tenter des prédictions sur une personne (en prenant des risques) à différentes échéances et de vérifier si elle se réalise. Et c'est toujours loin d'être le cas pour au moins deux raisons à mon sens: les éléments extérieurs qui nous impactent qu'on ne maitrise aucunement (que va t il advenir de mon je et de tous mes schémas si j'ai un grave accident et que je perds mes jambes ou qu'il arrive un malheur à mes enfants? il y a des vraies gros embranchements de vie, j'en ai vécu un récemment, qui modifie profondément les choses en toi) et aussi parce qu'il ne faut pas à mon sens confondre l'identification de certains schémas avec le tout que constitue le je (le méta-schéma). J'y reviens mais le tout est supérieur aux parties et ne peut être décrit par la somme des petits rouages et de leurs assemblages. L'ensemble de l'assemblage, ce qu'est le je n'est pas descriptible parce que trop complexe à mon sens, on ne peut identifier que des patterns.


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  5. Au final et pour me synthétiser un peu, le je est dans ma conception trop complexe pour être connu (la carte s'étale à perte de vue), c'est la somme de tous les rouages, de leur agencement spécifique et des schémas d'interactions qui les parcourent et le tout (le je) est supérieur à la somme de parties. Petit point supplémentaire essentiel dans mon approche: la carte ne fait que de s’agrandir lorsque l'on vieillit parce que l'on rajoute sans cesse des pièces (mais certaines zones sont aussi peu ou plus utilisées même si elles font toujours partie de notre carte). A l'inverse, les schémas d'interaction se fixent de plus en plus (un peu comme dans le développement du cerveau de l'enfant qui teste des assemblages de neurones et finit par sélectionner les plus pertinents en fonction de lui et de son environnement) et deviennent du coup plus facile à identifier. La permanence (de ce que les gens restent quelque soit le contexte) que tu évoques, je la vois comme la lourde carte déjà assemblée dont les caractéristiques sont devenus trop massives pour juste disparaitre (too big to fail) et restent donc toujours perceptibles. Cependant, ça ne permet pas de penser que l'on peut définir l'avenir ou qu il est prédestiné car de nouveaux rouages et de nouvelles zones sont créés chaque jour et peuvent induire des variations parfois substantielles dans l'assemblage final en modifiant la mécanique qui existait dans l'ancien assemblage. Le cumul de la carte et de la manière dont la personne se déplace dessus donne l'unicité et le je et c'est cette combinaison particulière qui me permet de penser que je choisis parce que la carte d'à côté n'est pas organisée de la même façon et que NOUS sommes les cartes.


    Au final, je résous la question de est ce que j'ai vraiment un choix étant donné tout mon conditionnement préalable et toute ma socialisation primaire en affirmant que je suis un tout composé de toutes mes expériences et interactions qui génèrent ma carte (et mon mode de déplacement) qui constitue mon je dans son unicité et qui me permet de dire c'est moi qui choisit et pas un autre parce que c'est MA carte qui n'est qu'à MOI que j'utilise. Quant à la question de ne pas être "obligé" de choisir ça étant donné ma carte, je réponds qu'elle est trop complexe pour que moi-même ou quelqu'un qui m'observerait l'appréhende et surtout qu'elle évolue chaque jour en fonction notamment des interactions externes imprévisibles et que c'est ce qui ne rend aucun de mes choix sûrs ou évidents a priori. On peut juste essayer de les retracer a posteriori mais ça ne rend pas pour autant les prochains choix certains.

    Du coup pour ta question, le je vient du cumul progressif et différenciant des pièces qui se rajoutent à chaque expérience ou interaction.

    Voilà, j'espère que j'ai pas trop causé et que je ne te donne pas envie de dormir (j'ai été obligé de couper le texte en trois commentaires, je dépassais la limite de mots autorisés :) :) :)

    Florent

    PS: j'ai bien intégré le film predestination dans ma liste de films à voir!

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