Céline Dehors et François l’Explorateur — Aspirants, chercheurs en liberté, expérimentateurs d’idées loufoques. — Et accessoirement auteur de « Ce que le Souffle m’a donné »

dimanche, juillet 02, 2017

La Coryphène




Style : Terrain d’aventure
Dénivelé de difficulté : 230 m
Longueurs : 7
Cotation : ED- 6b/6b/6b/4c/5c/4+/6a+
Site : Calanques de Marseille, Devenson
Grimpeur : Simon

Pour cette sortie c’était terrain d’aventure version Koh-Lanta au programme. La voie se situe dans le Devenson, le lieu le plus reculé et le plus sauvage des Calanques de Marseille (imaginez ces lignes prononcées avec la voix de Denis Brogniart et vous vous y croyez). Il faut compter 2h d’approche pour 6h de grimpe. Heureusement j’avais une combine! Je prête le vélo de Céline à Simon, on descend tous les 2 en vélo jusqu’au GR, on fait le dernier morceau à pied et BIM! On y est en 40 min. Du coup on peut se permettre de ne prendre que 4L d’eau (2L pour l’approche aller-retour et 2L pour la grimpe). Un plan redoutable en somme! Sauf que…

Appelez ça destin, karma ou ce que vous voulez mais parfois la vie vous envoi des signes et vous dis : lâche l’affaire pour aujourd’hui et rentre chez toi.
Soit on l’écoute et on passe une journée à manger des glaces sur la plage de Cassis, soit on s’entête et on se retrouve avec une chouette histoire à raconter au test d’admission des moniteurs d’escalade.

Observons les signes : 
— Simon prévoyait d’arriver vers 22h, il a débarqué à 1h du mat.
— S’il était en retard c’est qu’avant de partir il est allé grimper, est tombé, a cassé la dégaine qui était censée le retenir et a stoppé sa chute à 1m50 du sol… Il était un peu remué après ça, il a attendu de retrouver ses esprits avant de prendre la route.
— Le dernier signe était de loin le plus facile à interpréter. Au moment de partir un barrage de police nous empêchait de prendre la route de la Gineste (et donc de rejoindre notre parking). Il y a eu une baston dans la nuit, un macabé est encore sur le chemin, personne ne passe

Un mort sur le chemin c’est plutôt évident comme signe non?!? Et ben non. 

On s’est donc fait une petite rando à partir de Cassis pour rejoindre le Devenson. Simon s’est fait une entorse 500m après être descendu du Camion (meuuhnon c’est pas un signe pfff!)
Passé la calanque d’en Vau on attaque un sentier qui monte fort, très fort. Tellement fort qu’on croise des points d’assurage et qu’un relais nous attend en haut. Je ne sais pas par où on est passé mais ça ne devait pas être l’itinéraire conventionnel.


Après 2h30 de marche nous surplombons enfin notre voie. On casse la croûte tout en en repérant la ligne que l’on s’apprête à grimper. 


De vrais montagnes russes.
On aperçoit clairement la vire de départ une dizaine de mètres au-dessus de l’eau. Cette voie nous la devons à Claude Cassin et Joël Coqueniot. Elle date de 1967, c'est du très old school.

Il n’y a plus qu’à trouver la ligne de rappel. Après un bon quart d’heure de recherche nous la trouvons enfin. Il faut se pencher au-dessus du vide pour apercevoir la chaîne. 
Simon s’apprête à partir. Derrière nous un groupe de randonneurs passe. Un vieux monsieur m’interpelle :
— Vous partez là?
— Oui, on va faire la Coryphène
— Ah! Et vous avez déjà fait les rappels?
— Non c’est la première fois.
— Eh ben bonne soirée les gars!
Le vieux monsieur s’éloigne, je regarde l’heure. Bonne soirée?! Il débloque l’ancêtre, il est à peine 13h!
— Il a dit quoi?
C’est Simon, il est toujours pendu à sa vache
— Rien, il a dit bonne chance. Allez on file l’heure tourne!


Souris, c'est pour les assurances !
Le premier rappel se passe bien. En théorie après celui-là on doit pouvoir suivre un sentier casse-gueule jusqu’aux 2 derniers rappels. Quand j’arrive en bas, Simon s’est déjà fait séduire par le beau relais chaîné en face de nous alors tant pis pour le sentier casse-gueule, on continu par les rappels.

Ce second rappel nous amène à un arbre bardé d’anneaux de cordes et de sangles, c’est bon signe, on continue notre chemin. Arrivé en bas de ce rappel nous tombons sur un grand arbre mort. C’est à partir de là que les choses sont parties en sucette.
Dans la description il est dit que 6 m sous un arbre mort caractéristique on trouvera 2 relais chaînés tous neufs (datant de 2013). On est à côté d’un arbre mort qui à l’air suffisamment caractéristique à nos yeux… 
Arrivé en bas de l’arbre, aucun relais en vue. Mais étant donné comment le tout premier rappel était galère à trouver on ne s’éternise pas, le buis devant nous fera bien l’affaire. La roche à l’air péteuse, je préviens Simon :
— Planque-toi bien avant que je descende.
Et ça ne rate pas! Au moment de partir, tout un tas de roche et de branches bûches file en contrebas. Le tout fini dans un grand plouf au fond de la méditerranée. Au moins la mer n’est plus très loin, s’en est bientôt fini des rappels.

Je retrouve un compagnon de cordé sceptique. Et pour cause, la paroi que nous venons de longer avait l’air bien fragile. On est en TA, inutile de chercher des spits mas quand même, on devrait se repérer un petit peu normalement.

Après quelques instants de réflexion il devient évident qu’on s’est gouré. Je reconnais la vire aperçue du haut et on n’est pas dessus. Un bras de mer nous en sépare. Rien à faire, il faut remonter sur la corde (heureusement qu’on ne l’a pas tirée). Simon monte et pour gagner du temps je grimpe ma part. Une prise sur cinq me reste dans les mains. Ça me rappelle la JP Gaffard en moins terreux.

Bon il faut repasser dans notre goulot tout pourri pour revenir à l’arbre. Après quelques contorsions on est de nouveau sur une vie confortable. Simon regarde l’heure, moi aussi je me dis que ça craint un peu à force, on est en train d’exploser l’horaire.


Maintenant qu’on est là j’aimerais au moins trouver les rappels neufs. C’est clair qu’on aura plus le temps de tout faire depuis le bas. Mais on peut encore faire les dernières longueurs. Je vais jeter un coup d’œil plus haut et je tombe sur des pitons reliés, ça ressemble à la description de mon topo. Après deux courts rappels on tombe enfin sur le fameux relais chaîné (pas de trace d’arbre mort caractéristique).

Deux options s’offrent à nous pour rejoindre la voie : on peut tirer en ascendance gauche pour aller au 3eme relais ou bien on tente un début de rappel pour rejoindre R2, un relais composé de 4 pitons cimentés.

Moi je ne suis pas du tout chaud pour descendre plus bas. Il est déjà 17h, je préférerai remonter mais Simon est bien motivé pour jeter un coup d’œil en dessous. On arrive à un compromis. Il descend voir si le relais est bon (il est curieux de voir la gueule du dernier rappel aussi). S’il est bon et qu’il arrive à l’atteindre alors je le rejoins et sinon il se tape une nouvelle remontée sur corde pour me rejoindre.

Au moment de se lancer il n’est pas bien rassuré. Il rajoute une vache à son système de descente au cas où une de ses dégaines casse (et on arrête tout de suite de parler de signe annonciateur de merde!).

Bref, c’est un Simon éprouvé que je retrouve 1h30 plus tard. Son rappel s’est bien passé jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il était pendu au bout de sa corde, au-dessus de la mer et à 3 m de la paroi…
Si vous ne voyez pas où est le problème, imaginez-vous à l’arrêt sur une balançoire de 20 m de long. Vous y êtes? Maintenant essayez de vous balancer, allez-y secouer les jambes dans tous les sens, donnez des coups de tête. On est d’accord, le plus simple c’est quand même d’appeler sa mère (au moins pour le début). Bon maintenant il faut s’imaginer que votre mère est vraiment très très occupée et que si vous ne parvenez pas à vous balancer pour toucher la paroi en face de vous, vous allez devoir tenter un truc du genre transformer votre balançoire en ascenseur avec un risque conséquent de se planter et de la transformer en kayak de mer à la place. 


Au final, à par les cailloux que je balançais à la flotte pour passer le temps (Simon m’a maudit pour ça) il n’y a pas eu de gros plouf et j’ai retrouvé mon Simon et sa collection de machards hyper serrés.

Après cette parenthèse verticale ma proposition de rentrer au plus direct a été bien accueillie. Je lui ai quand même proposé un joli 7b sur coinceurs pour rigoler (effet garanti!). On est donc parti dans la pampa jusqu’à rejoindre le premier rappel chaîné que nous avions croisé.

Nous avons fini cette ascension avec une jolie longueur équipée dans une cheminée en aragonite avec en toile de fond le cap canaille embrasé par le soleil couchant. C’était magnifique mais c’est toujours le même problème avec les couchés de soleil : après il fait nuit!



La route de la soif.
Le retour s’est donc fait à la frontale et soyons clair, nos 4L d’eau étaient partis depuis longtemps. Céline a donc retrouvé deux pruneaux sur le parking de la Gardiole.



Pour résumé on était monté un peu trop léger et la Coryphène nous a filé entre les doigts. Voilà j’ai casé ma métaphore pourrie sur la pêche (la coryphène est un poisson vous comprenez…).

Le vrai bilan de cette journée c’est qu’en dépit de toutes les déconvenues que nous avons rencontrées nous avons su progresser en sécurité. De son propre aveu, la seule vraie erreur évitable de la journée aura été le dernier rappel pendulaire de Simon. Pour le reste, c’était principalement des erreurs d’itinéraire mais toutes nos manips étaient béton et globalement on a su faire demi-tour à temps.

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Céline.

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