Le non-choix du non-choix

Il nous manque une source de lumière dans le camion. Nous l'oublions assez en ce moment puisque le Soleil est plutôt du genre couche-tard, mais je pense que très vite l'horizon sombre des soirs nous le rappellera. Le problème se situe au niveau de notre cuisine. Nous y avons installé une toute petite barrette de LED, ce n'est vraiment pas suffisant. Alors l'autre jour dans le magasin, quand j'ai vu cette barrette de LED pas chère du tout, je n'ai pas mis longtemps à convaincre l'Explorateur de son utilité. Nous l'avons achetée, démontée pour voir comment il nous serait possible de l'adapter au circuit 12 V de notre camion. Les fils rouge et noir à la sortie du circuit imprimé m'ont bien induite en erreur ! J'ai mis du 12 V sur la barrette et puis… rien. Elle ne s'allume pas. Même pas une faible lueur. Même pas un clignotement. Elle reste comme endormie. Et dire qu'en 230 V~ elle donnait une belle couleur chaude, exactement celle qu'il nous fallait ! J'ai beau me gratter la tête, je ne vois pas comment arranger les choses. En attendant de trouver la personne qui saura m'expliquer ce qui bloque, nous gardons la barrette de mes rêves dans notre camion et son carton embarrassant. Il n'est pas possible de la jeter comme ça, elle est en plastique… !

Arbre remarquable à la Mare aux Fées. Pourquoi je rechigne à jeter du plastique.

 Je n'ai heureusement pas pensé trop longtemps à cette défaite technologique, notre amie arpenteuse nous a rejoint avec ses deux enfants de la forêt. Quel amusement était-ce de les voir cueillir les mûres au quatre coins des bois et ramasser des petits trésors tout le long des chemins ! Bientôt, l'école les guette… j'espère qu'ils auront encore le temps et la joie de vivre aussi naturellement cette belle forêt. Notre Loutre qui réclamait Bleau depuis un an était ravie. Elle courrait, grimpait et… (innovation 2017 !) pédalait avec aisance. C'est fou comme un enfant peu apprendre rapidement à faire du vélo ! C'est comme une vanne de possibilités qui n'attend qu'à lâcher. Un jour, elle ne savait pas. Elle ne savait rien. Elle et le vélo, c'était comme ma barrette de LED et le 12 V du camion (tiens !) : la polie ignorance. Soudain, en fait tout juste le lendemain de ce premier jour où il n'y avait encore aucune osmose, elle pédalait quelques dizaines de mètres entre la route, le vide et le vide. Le sur-lendemain, elle démarrait seule et réalisait quelques virages serrés. Et puis, après une bonne nuit, elle apprit à en faire debout, à se mettre “en danseuse”. Elle rejoint dorénavant les blocs à vélo, obligeant ses parents, qui hier encore la houspillaient pour marcher plus vite, à trottiner derrière elle. C'est-y pas dingue, ça ?

Loup arctique à la Mare aux Fées

À voir l'Explorateur raconter les folles histoires de sa vie à notre amie arpenteuse, je m'imaginais ressentir une sorte de piquante jalousie. N'allez pas lire ce que je ne raconte pas, mais il faut bien avouer que notre amie est une personne vraiment intéressante. Elle a vécu longtemps rien que pour l'escalade et connait la forêt comme une experte. Elle est belle sur toute sa personne, calme, pas colérique du tout, et passionnée, douée (elle a reproduit le camping-car du père de ses enfants avec de l'écorce du bouleau et des feuilles sèches… en 3D ! en plus, elle a un petit musée à trésors chez elle qu'on peut regarder avec une petite loupe), drôle et juste avec ses enfants. J'aurais bien envie de la regarder avec les yeux qui brillent comme une petite fille regarderait une princesse sauf que voilà : elle me parle normalement, comme à une amie. Et à François aussi. Je passe déjà trop de temps à l'écouter et à la regarder vivre… qui voudrait être ami avec un miroir sans tain ?

Notre séjour ici (dans la forêt de Fontainebleau) est beaucoup trop court mais nous devons repartir dès lundi matin. Nous faisons un rapide passage à Nevers pour régler quelques affaires administratives et puis un long périple nous attend. Lyon nous appelle par le biais de quelques très bons amis, puis le Vercors qui a tapé dans l'oeil de l'Explorateur et qui veut absolument me le présenter (qui veut présenter qui dans cette histoire ? allez savoir, j'écris comme ça me vient… !). Mon bonhomme de mari se fait déjà des films, il croit que je vais vouloir construire ma petite maison là-bas. On verra ce qu'on verra, que je lui réponds. Choisir, c'est faire une croix sur tout le reste. Et l'eau du Verdon, qui me la portera jusqu'à mes pieds pour ma baignade du matin ? Et les blocs d'Annot qui m'avaient donné envie de me mettre au sport pour le plaisir de la pratique ? Et les hivers si doux de l'Hérault ? L'ambiance associative de la ville de Narbonne ? Les froides Pyrénées une tasse à la main à causer jusqu'à 4 heures du mat' avec ma super amie Oka ?

Voici une photo de mon bonhomme de mari, pour que vous voyez bien de quoi je parle

Choisir le lieu de sa vie, mes amis, c'est comme mettre le grappin sur son amoureux. Vous savez, bien sûr, tout le plaisir que vous avez de vivre à ses côtés… mais moi, moi j'ai gouté et je goute encore à ici et là et, comme une femme au coeur d'artichaut, je m'imagine à chaque fois inventer mon coin de paradis ici. Choisir, le faudra-t-il ?

Ensuite, nous traverserons l'Est sud de la France pour rejoindre la frontière espagnole aux alentours de Perpignan. Petit camion, va falloir faire chauffer ton moteur !