Céline Dehors et François l’Explorateur — Aspirants, chercheurs en liberté, expérimentateurs d’idées loufoques. — Et accessoirement auteur de « Ce que le Souffle m’a donné »

mardi, mai 23, 2017

Brouiller l'eau du seau et échouer

Je voulais seulement postuler pour devenir AVS. Cela me parait assez simple comme principe. J'écris cela comme si c'était le début, mais je crois qu'il s'agit plutôt de la finalité visée. Je devrais alors peut-être finir par ça, prendre les choses dans le bon ordre et ne pas tout mélanger. J'ai à peine écrit deux ligne que je commence à embrouiller les choses. Il faut bien pourtant que je débute quelque part, que ce soit vraiment le début ou pas, et puis démêler le fil petit à petit…



Je voulais juste postuler pour devenir AVS. Ce n'était pas bidon, j'avais déjà une expérience auprès des personnes atteintes de handicaps, j'ai un bon niveau en langue des signes qui n'attend que de s'épanouir, je m'étais dit : ça peut carrément le faire.

Sauf que je n'ai pas de CAP Petite Enfance ou de BEP Service à la personne, rien d'approchant. Renseignements pris, si j'ai un contrat aidé, cette absence de diplôme passe à la trappe.

Le monde a à peine commencer à m'expliquer la vie qu'il me perd déjà. Quand on a un contrat aidé, on exerce le métier sans diplôme spécifique, donc… on peut exercer le métier sans diplôme, n'est-ce pas ? Alors, à quoi servent ces diplômes réclamés par ailleurs ?

Bref, passons. Ne t'arrête pas tout de suite Céline, ça vient à peine de commencer ! Pense contrat aidé, et oublie le reste.
Analysons. Je ne vais pas truquer ma carte d'identité pour avoir plus de 50 ans. Je n'ai jamais été au chômage. Je ne suis pas handicapée. Mais percevoir un minima social, je crois que nous arriverons à le valider. Voilà, tout n'est pas perdu.

Nous avons demandé le RSA il y a quelques mois. Bien ? Pas bien ? Est-ce profiter du système ? Est-ce être malhonnête ? Est-ce que les 800 € que nous allons recevoir durant le mois de juin font de nous des tricheurs ? Je me dis que ce n'est pas si grave, un peu moins de 270 € par tête, on ne coûte franchement pas bien cher. Un enfant qui se rend à l'école, ça revient à combien ?

Et dire que lorsque j'étais encore dans le circuit, on me payait plus de 900 € (à moi toute seule) pour faire des études psychologiques sur des bassins versants qui ne disaient rien à personne. J'entendais alors : “C'est bien ma fille, tu débutes correctement dans la vie.” Aujourd'hui je partage 800 € avec l'Explorateur et ma fille et j'ai l'impression qu'on m'impose la culpabilité.

Enfin, je n'ai pas encore réussi à répondre aux questions qui rodent autour du RSA, et je ne vous demande pas de le faire. Je m'interroge. Cette histoire de RSA m'interroge. On n'en dit tellement des choses sur ce "minima social" ici et là. Moi, ça me gêne. Je vous en parle quand même parce que c'est important pour la suite de mon histoire, mais voyez bien que je ne suis pas à l'aise avec ça. Toujours est-il que je peux profiter d'un contrat aidé, et c'est tout ce que je cherchais.

Grâce à mon RSA, je suis éligible CUI-CAE messieurs-dames, eh oui. Je peux accéder à des professions SANS DIPLOME ! Ah la la… Quelle favorisée je fais… !

Je postule donc. Après m'être inscrite auprès de Pole Emploi, sinon on vous jette sans explication, sachez-le. Dans le département 34. Et puis dans le 04. Et c'est là que j'ai commencé à perdre les pédales. Parce qu'on m'a de nouveau jetée comme une vieille chaussette. Alors que j'étais inscrite à Pole Emploi ! C'est à rien n'y comprendre. Je commence à peu à m'échauffer mais je garde le sourire.

Et puis l'enjeu s'invite. Dans le 04, là où j'ai postulé, il y a un enfant sourd qui a demandé l'aide d'un AVS. Ses parents apprennent la langue des signes (donc, l'enfant aussi). Le village où ils habitent est magnifique, avec de quoi grimper pour l'Explorateur… Ce serait merveilleux pour tout le monde. Heureusement la coordinatrice des AVS du 04 me téléphone pour m'expliquer ce qui bloque dans mon dossier, pour me dire pourquoi j'ai été évincée comme ça par Pole Emploi.

Je ne suis pas domiciliée dans le 04. Leurs contrats aidés à eux ne sont accessibles qu'à ceux déjà domicilié chez eux (je dis déjà, hein, parce que si quelqu'un à le poste, il me semble logique qu'il se domicilie là où il travaille). Voilà, c'est archi-simple. « Vous avez un CAP Petite Enfance ? me demande la dame très gentiment. — Non, je réponds avec une petite voix. — Ah… dommage. Il vous faut le contrat aidé alors. — Oui, je sais… »

Gros avantage du CAP Petite Enfance : on accepte l'idée que vous puissiez déménager. Non mais encore heureux qu'on ait le droit de se déplacer d'un département à l'autre en même temps que de recevoir le RSA ! République française, ou république fédérale de France ? …

Bon, bon, bon. Ne relève pas les absurdités. Réfléchis plutôt quelques minutes à une solution simple. Je suis itinérante, donc l'adresse m'importe assez peu en fin de compte. Je vais changer mon adresse auprès de Pole Emploi pour en mettre une autre, dans le 04, comme ils veulent et tintiiiin ! Le poste est à moi ! Voilà, depuis hier, j'habite à la poste. En Poste Restante, puisqu'on me le propose officiellement, je n'ai pas fait semblant plus loin. Et je postule dans la foulée.

Franchement, cette fois, j'y croyais fort.

Mais j'ai eu un appel de la part de Pole Emploi. Si mon dossier RSA n'est pas déménagé lui aussi… ça ne match pas. :-( Voici quelques extraits absolument ahurissants de notre conversation téléphonique :
« Oui, il faut que vous fassiez le transfert, sinon ça va bloquer au moment de signer le contrat. Ca va être compliqué.
— Compliqué ? Vous entendez quoi par compliqué ?
— Ca pourrait bloquer… Nous devrons alors demander à l'autre département une concertation, peut-être que ça ne pourra pas se faire…
— Compliqué et impossible sont deux choses bien différentes…
— Oui ! Bien sûr ! (merci d'acquiescer monsieur, cela nous fait au moins une vérité partagée)
— Alors, ma situation est compliquée ou c'est impossible ?
— Et bien… Il faudrait mieux que vous déplaciez votre dossier RSA. — Ce n'est pas possible pour moi de le faire.
— Non mais vous comprenez ? (ma non-réponse : non, je ne comprends pas pourquoi vous m'embêter avec quelque chose de simplement compliqué) Ca peut être dangereux pour vous et pour l'employeur.
— Dangereux ? Comment ça dangereux ?
— Et bien dangereux, oui. Ca peut bloquer au dernier moment s'ils vous choisissent ! Le contrat ne pourra pas être mis en place. Vous comprenez ? »
Rah… Je n'en pouvais plus. Je pleurais le téléphone à la main (oui, je le savais que cette histoire allait être éprouvante pour moi). J'ai fini par dire : « Ecoutez, merci pour votre appel mais je vais me passer de ce contrat. »

Voici un extrait de la conversation téléphonique que nous n'avons pas eue :
« Entre le RSA et le contrat aidé, quel est le rapport ?
— Et bien, madame, il est évident !
… Vous comprenez ?
— Oui, oui, j'ai bien conscience du problème. »

Une amie et moi étions un jour chez un pas-toujours-bon monsieur gourou. Ce dernier nous expliquait pourquoi nous n'étions toujours que seul entouré des autres et qu'il fallait grandir en soi-même soi-même. Mon amie avait alors répondu : « Je trouve cette idée bien triste. » et j'avais alors répondu : « Ne t'inquiète pas, cela n'a pas d'importance parce que l'autre n'existe en même temps pas. » Après m'avoir regardée avec des yeux ronds, l'homme m'avait dit : « Ton problème Céline c'est que lorsque tu veux regarder à l'intérieur du seau, tu remues tellement l'eau dedans que la vase remonte et tu ne vois ensuite plus rien. »

Cette dernière phrase me hante depuis. Parce que bon sang de bois ! C'est tellement vrai ! Cela devrait être simple. Je veux être AVS. En principe, il suffit d'avoir le BAC pour exercer ce métier - je l'ai - tout roule. Et voilà que je me retrouve à déménager un dossier Pole Emploi dans le tiroir d'un bureau de poste pour entendre dire au téléphone « C'est dangereux parce que c'est impossible parce que c'est compliqué… » ?!

Il n'y a que moi qui sent l'aberration sociale monter, ou bien ? Sur les 4 candidatures qui ont été retenues sur le poste que je convoitais dans le 04, quelle est la probabilité qu'il y en ait une qui propose des compétences en langue des signes ? Je ne m'estime pas indispensable mais j'étais certaine que mon profil était intéressant, les intéressait. “Ah mais non, c'est vrai qu'on a du travail qui vous irait bien mais… enfin vous comprenez ? On n'a pas assez de contrats.”

Oh oh ! Les gars ! Pour avoir un contrat, il suffit d'imprimer quelques caractères sur une feuille A4 blanche. C'est ça qu'on appelle une politique d'austérité ? Comprenez-vous que je ne comprenne pas ???

Je trouve ça trop bête, ce système si bien fagoté qu’on n’arrive à rien de bien.

Ca me rappelle ma dernière tentative auprès d'une entreprise.
« Bonjour ! Nous avons un travail hyper intéressant à te proposer !
— Cool ! Je dis oui !
— Sauf que voilà, on n'a pas de ticket pour t'employer. On n'a qu'un ticket stagiaire.
— Bah, si vous voulez, je veux bien être stagiaire.
— Sauf qu'il te faut alors une convention. Mais tu n'es plus étudiante, donc ce n'est pas possible. »
Je vois le directeur des ressources humaines me regarder comme si j'allais lui apporter la solution miracle. Dans ma tête, je récapitule : il a des sous pour payer un stagiaire, mais pas assez en fin de compte pour prendre un employé. Il a du travail, mais ça ne doit pas être assez important pour me prendre pour le faire. Mais il me le propose quand même. Nous sommes tous interchangeables de toute façon, n'est-ce pas ? Hum… intéressant…

« Sinon, on cherche aussi des ingénieurs pour un projet hyper sophistiqué hydro-nucléaire-machin chose où si ça plante parce que la France change de politique c'est pas grave on lui demandera un dédommagement… Pour lui, ça va, on a des tickets à la pelle.
— Euh, non merci… »

Voilà, maintenant vous savez pourquoi je ne travaille pas (la vraie raison qui explique tout). Je n’ai encore trouvé personne d'assez fin pour voir à travers l'eau boueuse de mon seau.

4 commentaires:

  1. Les batailles avec l'administration, c'est toujours terriblement compliqué, et pour y avoir déjà laissé des larmes je connais cette frustration.
    Ton dessin m'a bien fait rire, il résume très bien ta situation, sur laquelle tu n'as malheureusement que peu de pouvoir.

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    1. Cette situation m'a rendue malade parce, comme tu dis je n'ai rien à ma portée pour faire tourner les flèches dans le sens qui m'arrangerait, et puis surtout c'est complètement absurde ! J'ai eu au téléphone un autre employé de Pôle Emploi, d'un autre département, et bien avec lui c'était effectivement compliqué mais il a réussi à arranger les choses avec professionnalisme ! Comme quoi… ce n'est ni impossible ni dangereux :-)
      Mon expérience avec l'administration m'a appris deux choses : il faut tenter même si on ne rentre pas dans les cases (d'ailleurs, c'est généralement impossible) et puis persévérer pour tomber sur la bonne personne.
      J'avais des problèmes ces derniers mois pour fermer définitivement mon entreprise. Je ne comprenais pas ce qui bloquait. J'ai visité les organigrammes des organismes qui pouvaient être concernés, j'ai contacté plus de 7 personnes je crois (au téléphone, par e-mail…) et j'ai reçu 7 réponses différentes dont 1 pertinente ! Voilà, j'avais trouvé la personne compétente et mon problème est réglé !
      Le problème avec Pôle Emploi, c'est qu'on n'a pas accès aux organigrammes (ou je n'ai pas trouvé comment) et on est appelé en numéro privé par des gens qui ne vous déclinent pas leur identité… autrement dit : c'est impossible de trouver la bonne personne ! (heureusement pour moi, ma belle-maman travaille à PE, j'ai pu obtenir quelques infos grâce à elle, ouf !)

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  2. Pole emploi, c'est beaucoup une question d'humain : autant certains conseillers sont dévoués et cherchent véritablement à aider, à accompagner, autant d'autres sont désabusés et manquent beaucoup de considération.

    Une amie m'a confié hier que le conseiller qu'elle venait de voir lui avait avoué, sur le ton de l'humour, adoré son job parce qu'il voit toute la journée des gens qui ont une vie pire que la sienne. Bonjour le moral...

    Je suis contente de lire que tu arrives à t'en dépatouiller, j'espère que ton projet aboutira !

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    1. Merci Cléa ! J'espère aussi. (et puis je n'espère pas tant que ça, j'aime bien notre vie actuelle en camion ^^)

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Céline.

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